C’est dans un silence assourdissant que Shahbaz Bhatti, le ministre pakistanais des minorités religieuses, vient d’être abattu sauvagement à Islamabad (Pakistan). La ville était pourtant placée sous haute surveillance…
Il était Pakistanais et Chrétien. Précisons qu’il était le seul chrétien du gouvernement pakistanais. C’est parce qu’il défendait la minorité chrétienne et qu’il militait pour la suppression de la peine de mort en cas de blasphème que Shahbaz Bhatti est mort, sa voiture ayant été criblée de balles par de sombres inconnus.
Et les minorités souffrent. Il est bien connu, par exemple, qu’à chaque fête de Noël des chrétiens sont assassinés et des églises sont brûlées. Combattre les violences qui frappent les minorités religieuses de ce pays relève déjà d’un engagement et d’une foi hors du commun. Shahbaz Bhatti était de cette dimension. Conscient du danger permanent qui menaçait sa vie, il avait enregistré un message : « Je suis prêt à mourir pour une cause. Je vis pour ma communauté et pour les personnes qui souffrent, et je vais mourir pour défendre leurs droits, car ces menaces et avertissements ne sauront changer mes opinions et mes principes. »
Léon Mercadet a abordé ce sujet ce matin dans l’émission « La Matinale » de Canal + (rubrique « Cool/Pas cool ») : « Pourquoi a-t-on tué Shahbaz Bhatti ? Eh bien parce qu’il était chrétien et parce qu’en temps que ministre des minorités religieuses, il demandait l’abolition de la loi sur le blasphème »…
Or, ce drame cache une situation plus complexe. Nous avons retranscrit les propos de M. Mercadet que nous vous livrons ci-dessous :
« Je vais vous parler d’un super mec, mais il a été assassiné avant hier.
Il s’appelait Shahbaz Bhatti et était ministre au Pakistan, ministre des minorités religieuses. Il avait 42 ans. Il était chrétien et avant-hier, à Islamabad, un commando a mitraillé sa voiture. Bhatti avait congédié ses gardes du corps pour rendre visite à sa mère, et là, il a reçu huit balles. Il est mort à l’hôpital. L’assassinat a été revendiqué par un mouvement de talibans pakistanais.
Il y a trois millions de chrétiens au Pakistan. Cela ne représente que deux pour cent de la population mais ça représente tout de même trois millions de personnes.
Alors pourquoi a-t-on tué Shahbaz Bhatti ? Eh bien parce qu’il était chrétien et parce qu’en temps que ministre des minorités religieuses, il demandait l’abolition de la loi sur le blasphème. Dans cette loi pakistanaise, n’importe quoi peut être blasphème. N’importe quoi qui déplaît aux fanatique et ça peut mener jusqu’à la peine de mort.
Concrètement, Bhatti s’occupait d’un cas : de l’affaire Asia Bibi. Asia Bibi c’est l’histoire d’une paysanne chrétienne pakistanaise condamnée il y a trois mois à la pendaison pour blasphème. L’histoire : elle travaillait dans les champs avec d’autres femmes, des musulmanes, dans son village. Il faisait chaud. Elle est allée chercher de l’eau. Les musulmanes ont refusé de toucher à l’eau sous prétexte qu’elle était souillée parce que Asia est chrétienne. Discussion. Le ton a monté et Azia a dit que Jésus, comme Mahomet, c’est un prophète. Ce que d’ailleurs reconnait l’Islam. Cette discussion a fini au commissariat, puis au tribunal, puis à la condamnation à mort d’Asia Bibi.
Depuis, Shahbaz Bhatti protégeait cette fille, il avait fait renforcer sa sécurité en prison pour qu’elle ne se fasse pas assassiner dans sa cellule. En juillet dernier, déjà, deux chrétiens pakistanais ont été accusés de blasphème. Ils ont été acquittés et dans le tribunal, ils ont été abattus par des tueurs : ils n’aimaient pas l’acquittement.
Une parenthèse sur Shahbaz Bhatti : il était très courageux, ce jeune ministre, et très lucide. Il avait déclaré publiquement récemment (écoutez bien les mots qu’il employait) : » Je sais que je vais mourir en martyr, c’est mon destin. Que Dieu me protège C’est Lui qui décidera quand je mourrai ». On croirait exactement entendre un musulman. Comment ses assassins n’ont-ils pas compris que son Dieu et le leur sont un seul et même Dieu ?… Le fanatisme est une bêtise. C’est un manque de foi d’ailleurs.
Le cas Shahbaz Bhatti n’est pas isolé au Pakistan parce qu’il y a deux mois, le gouverneur du Penjab qui s’appelait Salman Taseer a été abattu par son propre garde du corps parce que lui aussi protégeait Asia Bibi. Et lui était musulman, ce gouverneur du Penjab.
Alors tout ça est tout sauf cool. Et pourtant…
C’est cool de savoir qu’il y a au Pakistan des gens comme Salman Taseer ou Shahbaz Bhatti parce que le Pakistan, de loin et depuis des décennies, on a l’impression d’un pays de fanatiques, de militaires, de services secrets et de corrompus. Pas un pour racheter l’autre. Même Benhazir Bhutto en croquait et son mari encore plus. Mais non : il y a aussi des Shahbaz Bhatti et pas seulement. Hier, un quotidien de Karachi, qui s’appelle Dawn, a titré « Le terroristes ont réduit au silence une voix en faveur de l’harmonie religieuse » (Terrorists silence another voice of interfaith harmony). Et je vous lis un extrait de l’article, parce que c’est bien vu :
« Les assassins de Bhatti ont peut-être réussi à fuir, mais le véritable coupable est connu de tous : c’est un état d’esprit extrémiste qui se diffuse profondément dans la société et c’est une tragique ironie qu’un pays, le Pakistan, créé au départ pour garantir les droits d’une minorité, à savoir les musulmans de l’ancien empire des Indes, se transforme en champ de bataille où tombent les défenseurs des minorités ».
Bravo à ce journal pakistanais parce qu’on ne peut pas mieux dire »…
Chapeau et merci, monsieur Mercadet !
Sources :
http://www.dawn.com/2011/03/03/terrorists-silence-another-voice-of-interfaith-harmony.html
http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid3353-c-la-matinale.html?vid=433488
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